Dans un arrêt n°262.013 du 17 janvier 2025, le Conseil d’État a eu l’occasion d’appliquer la réforme du Conseil d’État de 2023 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les procédures en référé.
a) Bref rappel des faits
La demande de suspension en extrême urgence était dirigée à l’encontre d’un permis d’urbanisme délivré par le fonctionnaire délégué de la Région de Bruxelles-Capitale et visant à construire un bâtiment de 38 logements à finalité sociale.
Comme à l’accoutumée, le requérant a demandé à la bénéficiaire du permis si elle avait l’intention d’exécuter celui-ci et, dans l’affirmative, dans quel délai.
La bénéficiaire a répondu qu’elle entamerait le chantier le 15 février 2025.
Sur la base de cette information, le requérant a introduit une demande de suspension en extrême urgence le 8 janvier 2025, soit 6 jours après avoir été informé officiellement de la mise en œuvre imminente du permis.
b) Décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État commence par rappeler qu’il convient d’appliquer l’article 17, § 5, des lois coordonnées sur le Conseil d’État, tel que modifié à la suite de l’adoption de la loi du 11 juillet 2023, dès lors que la réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les demandes de suspension.
La Haute juridiction administrative se réfère ensuite aux travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 2023 suivant lesquels le législateur a entendu limiter le recours à la procédure d’extrême urgence « aux affaires dans lesquelles un requérant démontre la nécessité d’agir dans un délai de quinze jours maximum » (Projet de loi modifiant es lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, Doc. parl., Chambre, 2022-2023, n° 55 3220/001, p. 11).
Autrement dit, le requérant doit démontrer que si l’affaire était traitée dans un délai excédant 15 jours, la décision du Conseil d’État sera impuissante à prévenir le péril craint.
Le permis étant exécutoire, poursuit le Conseil d’État, c’est au requérant de vérifier auprès de son bénéficiaire « si et quand le permis dont il souhaite l’annulation risque d’être mis en œuvre » (sic).
En l’espèce, le Conseil d’État relève que le bénéficiaire a indiqué qu’il mettrait en œuvre son permis à partir du 15 février 2025, ce qui implique que le péril craint ne se réalisera pas avant cette date. Or, entre l’introduction de la demande de suspension en extrême urgence (le 8 janvier 2025) et le 15 février 2025, un délai supérieur à 15 jours se sera écoulé.
Conclusion : en tant qu’elle est introduite selon la procédure d’extrême urgence, la demande de suspension est irrecevable. Le requérant a saisi le Conseil d’État en extrême urgence avant l’heure.
Néanmoins, le requérant a encore la possibilité d’introduire une demande de suspension selon la procédure ordinaire. Pour cela, il devra démontrer qu’il existe une urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation.
Que faut-il retenir de cette affaire ?
Depuis le 1er janvier 2025, la recevabilité d’un référé en extrême urgence est conditionnée au fait que l’inconvénient craint se réalise dans un délai égal ou inférieur à 15 jours depuis l’introduction de la demande. Dans le cas contraire, le requérant doit opter pour une suspension ordinaire, voire pour un recours en annulation sans demande de suspension.
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